Il a souvent été dit que l’ensemble architectural de Phat Diem est le centre du catholicisme le plus original du Vietnam. L’harmonie qui se dégage du site, avec ses bâtiments s’inspirant des pagodes orientales et des églises occidentales en fait une destination de choix pour quiconque souhaite se ressourcer ou tout simplement s’émerveiller devant « La cathédrale de pierre ».
Construit en 1875 et achevé en 1898, le site en son entier couvre une superficie de 22 hectares divisés en deux parties : la cathédrale et le monastère. S’y rajoutent un étang, un campanile Phuong Dinh, la statue du Christ-Roi, les 4 chapelles de St -Joseph, St - Pierre, St-Roch et la Chapelle du Cœur de Jésus, l’église en pierre, le calvaire et la grotte de Bethléem. Ces bâtiments sont disposés sous la forme de l’idéogramme «王» qui signifie le roi en chinois. Ils sont disposés conformément à la règle du Feng Shui qui stipule : «L'eau devant, les montagnes à l'arrière». La totalité du site a été classée monument culturel et historique par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme en 1988.
Nous sommes au début du 19ème siècle. A cette époque, Phat Diem n'était qu'un marais insalubre, où les roseaux disputaient le terrain aux mauvaises herbes. En 1828, le secrétaire d'État (un mandarin du nom de Nguyen Cong Chu) y fut envoyé en tant que directeur général et entreprit les principaux travaux de drainage et d'aménagement du territoire, créant ainsi deux nouveaux districts : le district de Tien Hai et celui de Kim Son. C’est dans ce dernier que le père Père Trân Van Luc est nommé curé de la paroisse de Phat Diem. Nous sommes alors en 1865.
De 1875 jusqu'à sa mort, le Père Six – autre nom du Père Tran Van Luc - réalise peu à peu d'énormes projets de construction et les habitants surmontent de nombreuses difficultés pour construire cette cathédrale hors norme. En effet, le site est situé dans une zone côtière marécageuse encore baignée d'alluvions fluviales. Pour assécher le terrain, il fera construire des digues tant du côté mer que du côté fleuve. Correctement irrigué, le terrain nouvellement conquis produit dorénavant deux récoltes de riz à l’année et a permis l’érection de l’ensemble du site religieux qui émerveille aujourd’hui tous les visiteurs lors de leur séjour au Vietnam.
Pour fournir un support de fondation aux bâtiments, des millions de pieux de bambou ont été enfoncés dans le sol, puis on a utilisé un grand nombre de pierres, de nattes tassées et de véritables radeaux de bois pour résister à l'épreuve de la terre boueuse. D'autre part, des centaines de colonnes en bois de lim, le fameux «bois de fer», ont été transportées sur une distance de plus de 100 kilomètres. La roche provient de la région montagneuse de Thien Duong, à 30 kilomètres de la région de Phat Diem et le granit quant à lui est extrait de la montagne Nhoi est à 60 kilomètres de là. Les pierres sont lentement disjointes, à grand renfort de leviers de bois, puis une centaine de coolies s'attèlent alors à ces masses formidables et les font progresser sur des rouleaux de bois jusqu'au canal où les attendent d'énormes radeaux. Imaginez ! Cet énorme chantier a été entièrement réalisé avec l’aide d’outils du 19eme siècle et sachant que dans ces marais de Phat Diem, le Père Six n'avait ni bois ni pierre, ni brique, ni grue ou pelleteuse, ni architecte : rien que des bambous, des bras, son intelligence et une volonté tenace. Pendant des années, le Père et ses équipes ont accumule les matériaux tirés par des buffles, des jonques ou des hommes, amassant tout ce dont ils avaient besoin pour créer une Maison de Dieu pouvant rivaliser avec les palais impériaux de Hue.
L’édification de la cathédrale se fait progressivement ; elle débute en 1875 par la construction d’une grotte artificielle (la grotte du Saint-Sépulcre), dont l’amas de rocher servira au Père bâtisseur à calculer le coefficient d’affaissement du terrain. Il renforcera d’ailleurs par deux fois les soubassements de la cathédrale. C’est aussi lui qui en a dessiné les plans avec ses 9 travées confiées chacune à l'une des neuf équipes d'artisans qu'il a lui-même formées. 1871 voit la première chapelle s’élever, alors que pour célébrer la messe, le Père ne disposait jusque-là que d’une misérable paillotte bricolée à la hâte après la terrible persécution de 1858-1862. En 1894, c’est l’église du Saint-Rosaire qui sort de terre, pour devenir de nos jours celle qu’on nomme Cathédrale de Phat Diem.
Figure indissociable de Phat Diem, le Père Six était homme de caractère. Étudiant au séminaire du Tonkin, il n'était qu'un diacre lorsque la persécution contre les catholiques a éclaté. En 1862, à l'arrivée des Français, le père Six approche de la quarantaine, la deuxième partie de sa vie commence. Nommé curé de la paroisse de Phat Diem, il se révèle être un organisateur de premier ordre. Diplomate hors pair, il est consulté par des officiers français tels que le capitaine Joffre et le commandant Lyautey, et par les empereurs d'Annam qui le placent au rang de ministre d'État. Des Français, il reçut la distinction d'officier puis de chevalier de la Légion d'honneur. À sa mort en 1899, 40 000 personnes ont assisté à ses funérailles et son souvenir est tel que 25 ans plus tard, l'empereur Khai Dinh lui décerna à titre posthume le titre de baron de Phat Diem ... Il a vécu de 1825 à 1899 et a été curé de la paroisse de Phat Diem de 1866 jusqu’à sa mort.
La pierre est le matériau le plus employé pour la construction de la cathédrale achevée en 1891. L’élite des tailleurs de pierre et des sculpteurs s’est réuni ici pour créer ces entrées courbées en arc, les hautes tours, et les sanctuaires. La pierre est dans les piliers, les poutres, les murs et les balustrades. Elle se fait figures traditionnelles vietnamiennes en donnant vie à l’abricotier, au pin, au chrysanthème, au bambou, ainsi qu’aux dragons, licornes, tortues et autres phénix.
Ensuite, vient le marbre puis le bois. Pour le Père Six, il était absolument indispensable qu’il y ait du marbre et encore du marbre. Le problème et de taille si l’on nous permet le jeu de mot, était que la carrière fournissant les marbres les plus renommés, pas si loin de là – près de Thanh Hoa – étaient des carrières royales, qui ne fournissaient que pour les bâtiments officiels. La Providence voulut qu’en 1883, alors que la France entreprenait pour la deuxième fois la conquête du Tonkin, les mandarins de Thah Hoa firent obstruer l’entrée du canal qui mène au fleuve. Ceci pour éviter une invasion des navires français. Ils ont donc fait immerger d’immenses blocs de marbre de la carrière voisine. L’astuce a fonctionné a demi : aucun bateau n’a pu franchir le barrage, mais Thanh Hoa a tout de même été occupée. Le hic, c’est que quand la fut guerre finie, il bien fallu dégager les blocs de marbre pour laisser à nouveau passer les navires marchands. C’est ici que le Père Six intervient : « Je vous dégage tout ça, mais je garde le marbre. » Marché conclu !
Les chapelles ont été construites en premier puis vint le tour de l'église paroissiale - aujourd'hui la cathédrale de Phat Diem. Si les travaux en eux-mêmes n’ont duré que les 3 premiers mois de l’année 1891, la collecte et la mise en œuvre des matériaux ainsi que la préparation du sol aura duré 10 ans. Toute la chrétienté fut réquisitionnée d'office pour assurer une main d'œuvre permanente. Les plans étaient ambitieux : 80 mètres de long, 24 de large et 16 de haut, le tout coiffé de 4 toits. Le soubassement, les colonnes et les traverses, les murs et les balustrades, les tours, les supports, les barreaux des fenêtres et les autels sont entièrement en pierre de taille, de telle sorte que les habitants de Phat Diêm ont pris l’habitude de la surnommer l’Église de pierre. L’intérieur surprend le visiteur avec ses 48 colonnes en bois de fer divisées en 6 rangées, deux rangées au milieu de 11 m de haut et 2,35 m de circonférence, chacune pèsant environ 10 tonnes. À l’arrière, se trouve l’ancien maître-autel en pierre monolithique aux trois faces latérales minutieusement ouvragées.
L’extérieur est marqué par Phong Dinh, le campanile aux allures de maison communale et le lac au milieu duquel un ilot accueille une statue du Christ.
Si la Cathédrale de Notre-Dame de Saïgon est un parfait exemple de l'architecture coloniale française avec ses matériaux importés de la France, la Cathédrale de Phat Diem est sans nul doute le monument catholique de style oriental le plus important. Elle se singularise en particulier par ses toits courbes et ses sculptures mêlant iconographie chrétienne et spiritualité vietnamienne. Un incontournable à visiter lors de votre prochain voyage sur mesure ou Vietnam !
La cathédrale de Phat Diem se trouve par d’ailleurs dans une région où se trouvent les villages de métiers les plus connus au Vietnam pour la sculpture sur pierre. Si l’on croit les documents historiques, certains d’entre eux existent depuis plus de mille ans. C’est le cas du village de Nhoi, à Thanh Hoa, de Kinh Chu, à Kim Mon – Hai Duong, ou encore de Ninh Van – Hoa Lu – Ninh Binh. Des traces immortelles du talent de ces villageois artisans sont encore présentes sur nombre de constructions et de sculptures : les stèles au temple de la littérature à Hanoi, les statuts à Lam Kinh – Thanh Hoa, les palais et tombeaux royaux à Hue, pour ne citer que les plus célèbres.
Et pour terminer, rappelons que Phat Diem est à quelques encablures de la célèbre baie d’Halong terrestre, il est donc tout à fait possible de combiner sa visiter avec celle de Tam Coc, par exemple. N’hésitez pas à en parler avec une agence de voyage basée sur Hanoi.