Le couvent de Lang Song, dans la Province de Binh Dinh a accueilli la première imprimerie à éditer des textes en quoc ngu, la langue nationale. Hors du temps et des sentiers battus, l’église est devenue une destination poétique et reposante pour les visiteurs locaux et quelques voyageurs étrangers.
Lang Song se situe dans le hameau de Quang Van, district de Tuy Phuoc, Province de Binh Dinh. Appartenant à la Côte Centrale du Vietnam, cette Province est connue pour ses belles plages, ses paysages envoutants – particulièrement à Quy Hoa et à Hoi Van – ses sources thermales et ses tours cham. Berceau du théâtre classique Tuong et des chants folkloriques Bai Choi, Binh Dinh est également connue pour son Musée Quang Trung – espace culturel dépositaire de la mémoire de la révolution de Tay Son et de l’Empereur Quang Trung.
Binh Dinh est a un peu plus de 1 000 km de Hanoi et un peu moins de 700 km de Ho Chi Minh-ville. Sa capitale provinciale est Quy Nhon, charmante cité portuaire s’ouvrant sur la Mer Orientale.
Le monastère de Lang Song quant à lui est a une quinzaine de kilomètres au Nord-Ouest du centre-ville de Quy Nhon, dans la commune de Phuoc Thuan. De la ville portuaire, il est facile de s’y rendre en scooter (demandez votre chemin à votre hôtel). Venir à Quy Nhon est également très facile grâce à son aéroport. Depuis Hanoi (1 h 45 de vol) ou HCM-ville (1 h 10 de trajet), Vietnam Airlines, Bamboo Airways ou VietJet offrent des rotations régulières vers Phu Cat, l’aéroport de Quy Nhon. Tuy Hoa, un autre aéroport situé plus au sud, permet de remonter et découvrir la splendide route du littoral jusqu’à Quy Nhon. Il est également possible de s’y rendre en bus ou en train ; pour plus d’infos ou une personnalisation de votre voyage, demandez conseil à une agence de voyage spécialiste du Vietnam.
Il est généralement conseillé de se rendre à Quy Nhon et sa région entre février et fin septembre, sachant que la haute saison dure entre mai et août.
Plus monastère qu’église, Lang Song tire son nom de son emplacement sur une haute colline entourée de vastes rizières verdoyantes et de rivières aux eaux limpides. Les locaux ont peu à peu au fil du temps déformé son nom, pour l’appeler Long Song, troquant le mot « village » en « cœur ». Construit à l’embouchure de Phu Hoa se déversant ici dans la lagune de Thi Nai, il fait également office de séminaire. Il a gardé intacte son architecture d’origine, de style gothique européen, avec ses arcs en ogive et ses nombreuses fenêtres. Les 2 000 m2 du monstre sont ombragés d’arbres de plus de 200 ans d’âge.
Il y a près de 400 ans, un jésuite italien du nom de Cristophoro Borri rapportait dans son ouvrage « Le Pays », l’accueil chaleureux que lui avait réservé le gouverneur de Quy Nhon et son appui dans le projet de construire une église. Nous sommes en 1618, les missionnaires débarquent au port voisin de Nuoc Man et commencent à évangéliser la région avec la bénédiction dudit gouverneur. Bien plus tard, en 1862, l'évêque français Stephano Cuénot, qui gouvernait le diocèse de Dang Trong, confie au père Paul Chau la gestion de la paroisse de Lang Song, soit un territoire englobant les hautes montagnes de Tay Son, une partie de Vinh Thanh et jusqu’aux hauts plateaux du centre. Lang Song établira au fil du temps un séminaire, dont on ne connait toujours pas à ce jour la date de création exacte. Selon les documents du diocèse, il aurait été établi par Mgr Cuénot Can après le synode du diocèse de Dang Trong entre 1841 et 1850. A l’origine simple toit de chaume couvrant des murs en bambou, il aura été restauré de nombreuses fois avant d’être construit en dur selon les plans de son architecte le Père Charles Dorgeville. Après deux ans de travaux, le 21 septembre 1927, le séminaire de Lang Song est inauguré, ; un certain nombre de structures principales du séminaire existent encore aujourd’hui.
Borné de douves fraiches, l’ensemble est posé sur un haut monticule surplombant les rizières en contrebas. La clôture de bois qui cerne le site fait la joie des amateurs de selfies romantiques et de nombreux jeunes couples viennent ici pour leurs photos de mariage. A l’intérieur de l’église, on peut admirer les encadrements de porte sculptés, l’autel et les superbes escaliers de bois. L’atmosphère est simple et dépouillée, hors du temps.
Symétriques à l’église, deux rangées de bâtiments enduits de chaux jaune, alignent leur architecture française aux portes cintrées surmontées de balcons et ceints de longs couloirs rythmés de colonnes. Face au séminaire, une vaste pelouse ombragée invite à la méditation tandis que derrière le couvent se trouve le potager à la française. L’église a cessé de fonctionner en 1983, on y célèbre désormais des messes qu’en des occasions importantes : en particulier au nouvel an et certaines fêtes religieuses catholiques.
L’arrivée des jésuites à Nuoc Man a marqué les débuts du quoc ngu, l’écriture romanisée du vietnamien. En fait, en utilisant l’écriture latine pour transcrire la langue vietnamienne tonale, monosyllabique, les jésuites avaient en tête de faciliter l’évangélisation des locaux. Ainsi, comme ils l’avaient déjà fait en Inde, en Chine et au Japon, ils se sont mis à la tache de romaniser les idéogrammes chinois utilisés à l’époque.
En 1617, le missionnaire portugais Francesco de Pina se rend à Hoi An et Nuoc Man, avant de retourner vivre à Thanh Chiem (Province de Quang Nam). Très vite, il apprend le vietnamien et devient rapidement un des spécialistes de cette langue, le plus compétent de son époque. Pina et un certain nombre de ses confrères jésuites ayant eu l'expérience de la latinisation du japonais et du chinois - Gaspar d'Amaral et Antonio Barbosa (tous deux portugais) avec Cristoforo Borri (italien) - se lancent dans la latinisation du vietnamien. Le Français Alexandre de Rhodes – connu au Vietnam sous le nom de Dac Lo - finalisera leurs travaux et publiera le premier dictionnaire vietnamien-portugais. L’histoire ne retiendra que son nom dans le processus d’élaboration de l’écriture nationale vietnamienne. Un processus qui durera de 1618 à 1625. Ce nouvel alphabet comporte l’ajout de nombreux signes diacritiques servant à noter tant la valeur phonétique de certaines lettres, que les tons de la langue. On lui donne le nom de quoc ngu. Ce terme donnera par extension dans le langage courant, le sens de langue nationale.
Plus de 200 ans plus tard, l’imprimerie de Lang Song allait devenir l’une des trois premières imprimeries vietnamiennes à imprimer en quoc ngu.
Construite en 1872 sous la direction de l'évêque Eugène Charbonnier Tri, l’imprimerie sera détruite par un incendie en 1885, pour être reconstruite en 1904 sur l’ordre du Père Damien Grangeon Man. Il en confiera la direction au Père Paul Maheu, un religieux passionné de voyages, qui avait eu l’occasion de suivre une formation en imprimerie à Hong Kong, alors colonie britannique. En 1922, avec 3 407 000 pages imprimées, l’imprimerie Dong Dang Trong devient l’une des trois plus grandes imprimeries du pays à l’époque, avec Dang Ngoai et Tay Dang Trong. Elle fonctionnera jusqu’en 1936, puis sera transférée à Quy Nhon. Après un siècle de fonctionnement, de hauts et de bas, l'imprimerie de Lang Song a apporté d'importantes contributions à la propagation de l'écriture vietnamienne et de la littérature nationale dans la seconde moitié du 19ème siècle et la première moitié du 20ème. Des bâtiments sur le site préservent cette mémoire, notamment de nombreux exemplaires de premiers tirages. Par ailleurs, le diocèse de Quy Nhon a collecté plus de 200 livres publiés par l’imprimerie de Lang Song et gère parallèlement deux établissements liés au quoc ngu: Nuoc Man et Lang Song, situés tous les deux dans le district de Tuy Phuoc.
Avec son charme romantique et spirituel empreint d’histoire, Lang Song est une destination atypique qui mérite un détour lors de votre prochain séjour au Vietnam !